Art et Culture
« L’exposition révèle ce qui monte du plus intime de l’âme »
L’artiste graveur Paul Kichilov et Pauline de Préval, écrivain, ouvrent l’Opus 2 du Festival des Bernardins avec une exposition à deux voix « Sous l'œil du dragon. Anges, saints et démons ». À partir du 25 janvier et jusqu’au 8 février, venez découvrir plus de 40 gravures, 3 monotypes et une anamorphose, de taille moyenne au format poche, accompagnés de cartels inspirants. L’artiste est présent tous les jours et vous laissera un souvenir de votre passage au Collège des Bernardins.
Paul Kichilov évoque son travail et la manière dont il a pensé son œuvre qui vient illuminer ce début d’année.
Parlez-nous de l’exposition. Elle vient ouvrir le thème du Festival « Lux in ténébris », pourquoi ?
Le thème de l’exposition sont les anges : ceux qui chantent la gloire de Dieu, ceux qui secourent les hommes et ceux qui luttent contre les forces ténébreuses. Les démons, les anges déchus, sont aussi présents dans l’exposition. Les 3 monotypes représentent des Batailles intérieures, notre monde intime déchiré entre ombre et lumière. L’anamorphose de Saint Georges propose plus modestement de révéler le monde secret et complexe qui est le corps caché d’une image. Les vaisseaux, les muscles et les nerfs de celle-ci.
Je ne voudrais pas trop en dire et laisser la surprise au visiteur. Disons simplement en citant l’Evangile de Luc « Il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni de secret qui ne doive être connu ». Cette anamorphose de Saint Georges porte le titre générique de l’exposition « Sous l’œil du dragon », car c’est là qu’il est caché…
La lumière et les ténèbres : en quoi vos oeuvres viennent exprimer la tension entre ces deux états, ces deux réalités ?
Les gravures de cette exposition m’ont révélées des anges et des démons qui n’existaient pas dans les plaques vierges. Ces êtres ont peut-être été appelés à s’y refléter. Je me suis évertué jour après jour à graver ce reflet. En approfondissant le travail du métal, c’est dans ma conscience que je plongeais et qui a donné naissance à cette série. C’est une révélation qui monte du plus intime de l’âme pour prendre forme dans la matière, par le biais d’une lutte exaltée. Quoi de plus merveilleux que de travailler entre ces deux abîmes - la Lumière et les Ténèbres – en équilibre comme un enfant sur une balançoire ?
En quoi la gravure et le monotype expriment une vision de l'Homme ?
La plaque de gravure porte le témoignage de l’unicité, de la non-reproductibilité de la personnalité humaine. Elle en atteste en s’imprimant à plusieurs exemplaires, d’elle on tirera une série d’images identiques, des gravures en 10 ou 20 ou 90 exemplaires. Mais elles ne sont identiques qu’en apparence. Ces tirages demeurent subtilement différents. La plaque porte en elle l’inspiration unique qui l’a fait naître et une fois imprimée elle existe en plusieurs exemplaires. Mais ne sont-ils pas liés les uns aux autres ? Comme nous, uniques et semblables à la fois ?
Comme nous, les tirages de la première gravure ne sont-ils pas uniques et semblables à la fois ? »
La plaque va progressivement s’altérer si on ne la protège pas. Les gravures – les feuilles de papier sur lesquelles elle aura laissé sa marque – vont lui survivre en dépit de leur fragilité apparente. Elles survivront aussi à l’homme qui a gravé la plaque, témoignant de lui. Ainsi la gravure est-elle très différente du monotype.
Et pour le monotype ?
La plaque de métal, la même plaque, est là, posée sur la table : la surface froide, indifférente, est prête à affronter l’assaut de l’encre ; un assaut éphémère. La feuille de papier, elle, gorgée d’eau, attend d’être altérée définitivement. Blanche, immaculée encore, elle portera le cliché suivant d’une bataille qui, sans elle, resterait intérieure, inexprimée.
Le monotype deviendra ce fragment sans passé, d’un monde surgi dans l’urgence »
Juste après le passage sous la presse, lorsqu’on soulève les langes et que l’on découvre l’image imprimée sur la feuille, le premier regard révèle les masses noires sur la plaine blanche et les fixe, un peu comme l’éclair d’un instantané photographique. La plaque qui venait d’être peinte est lavée au white spirit, soigneusement nettoyée. La trace originelle des coups de pinceaux est effacée : l’image sur la surface n’avait pas de raison d’être en soi, le métal refuse de l’intégrer, de la porter plus longtemps.
Atelier roulant : Au Collège des Bernardins, Paul Kichilov viendra avec la presse qu’il a lui-même créée. Ce sera l’occasion d’offrir des anges imprimés aux visiteurs - © D.R