Séminaire public

Blockchain, imaginaires religieux et théologie (1)

Diffusion en direct sur le site internet et la chaîne Youtube du Collège des Bernardins


Ce séminaire invite Franck Damour et David Pucheu à étudier un corpus de discours et de manifestes pour décrypter l’imaginaire de la blockchain, singulièrement dans ses dimensions religieuses voire théologiques qui foisonnent dans les discours.

Ce séminaire fait suite à une recherche conduite entre janvier et juin 2020 du département Humanisme numérique du Collège des Bernardins, en partenariat avec ETHICS EA 7446 de l’Université Catholique de Lille.

Sous la co-direction de Primavera de Filippi, CERSA, unité mixte du CNRS et de l’Université Paris II Panthéon- Assas ; Franck Damour, ETHICS EA 7446, Université catholique de Lille ; Gemma Serrano, Département Humanisme numérique, Collège des Bernardins.

Avec les interventions de :

  • Franck Damour, historien des idées, chercheur associé au sein du laboratoire ETHICS (EA7446), Université catholique de Lille
  • David Pucheu, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, chercheur au MICA (Médiations Informations Communication Arts), Université Bordeaux Montaigne et Université de Poitiers
L’ORIGINE DE BITCOIN : LES MONDES DE NICK SZABO ET HAL FINNEY

Franck Damour, historien des idées, chercheur associé au sein du laboratoire ETHICS (EA7446), Université catholique de Lille

L’apparition de Bitcoin n’est pas advenue soudainement en novembre 2008, au cœur de la crise des subprimes. Elle a été préparée au cours d’au moins une décennie, notamment dans les échanges entre Nick Szabo, Hal Finney et d’autres, avec des moments clés comme la publication de God’s Protocol, de Szabo en 1997. L’analogie théologique développée justement dans l’introduction à ce texte, qui théorise les smart-contracts, soulève une question importante à son égard : s’agit-il de pure facétie, ironie geek ou plutôt d’un indice pour des références religieuses ? 

En analysant les textes fondateurs, mais aussi les discussions via mailing lists sur l’extropian ou la cryptographie auxquelles Szabo et Finney ont pris part, il sera question de comprendre si les références religieuses présentes (vocabulaire, imagination, symbolisme, structure) peuvent avoir joué un rôle dans la genèse du Bitcoin.

BLOCKCHAIN ET IMAGINAIRE RELIGIEUX : ENTRE IRONIE ET PROFESSION DE FOI

David Pucheu, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, chercheur au MICA (Médiations Informations Communication Arts), Université Bordeaux Montaigne et Université de Poitiers

Ferments d’une « nouvelle révolution », la Blockchain, les crypto-monnaies, le bitcoin baignent depuis leur entrée dans l’espace discursif dans une rhétorique prophétique aux accents religieux. Difficile à caractériser, cette dimension religieuse semble relever d’une simple analogie destinée à qualifier, sur le ton de la trivialité, les thuriféraires de la Blockchain (se présentant volontiers eux-mêmes comme des « crypto évangélistes ») et les promesses associées aux virtualités de ces techniques de cryptographie. Récurrent dans les discours américains qui encadrent le développement technologique en général et celui du monde digital en particulier, ce recours systématique au référent religieux reste pourtant problématique. Relève-t-il d’une simple stratégie discursive, d’un effet d’annonce, ou serait-il au contraire symptomatique d’un fond de croyances partagées au sein des « communautés » qui se sont agrégées ces dix dernières autour des promesses de la Blockchain ?

Cette intervention analysera en « prenant au sérieux » cette dimension religieuse en dévoilant les différents archétypes judéo chrétiens qui innervent les discours encadrant le développement de la Blockchain (le millénarisme, l’évangélisme, le conversionnisme…). Elle s’intéressera plus particulièrement aux spiritualités post chrétiennes (le New Age notamment) qui ont accompagnés, dès le départ, le déploiement de l’informatique en réseau aux Etats-Unis et plus particulièrement en Californie (autour notamment de la notion ambivalente de « New Edge »).