Séminaires publics

Blockchain, imaginaires religieux et théologie (2)

Diffusion en direct sur le site internet et la chaîne Youtube du Collège des Bernardins


Ce séminaire invite Rémy Bourganel, Primavera de Filippi, Antony Régent et Alberto Romele, à étudier un corpus de discours et de manifestes pour décrypter l’imaginaire de la blockchain, singulièrement dans ses dimensions religieuses voire théologiques qui foisonnent dans les discours.

Ce séminaire fait suite à une recherche conduite entre janvier et juin 2020 du département Humanisme numérique du Collège des Bernardins, en partenariat avec ETHICS EA 7446 de l’Université Catholique de Lille.

Sous la co-direction de Primavera de Filippi, CERSA, unité mixte du CNRS et de l’Université Paris II Panthéon- Assas ; Franck Damour, ETHICS EA 7446, Université catholique de Lille ; Gemma Serrano, Département Humanisme numérique, Collège des Bernardins.

Avec les interventions de :

  • Rémy Bourganel, enseignant, metadesign, programme Grands challenges, Ecole du management de l’innovation, Sciences Po Paris et Umea Institute of design, Suède
  • Primavera de Filippi, chercheuse au CERSA, unité mixte du CNRS et de l’Université de Paris II Panthéon-Assas ; chercheuse associée au Berkman Center for Internet § Society, Université de Harvard, Cambridge
  • Anthony Régent, leader ecosystems design, OnePoint, Paris
  • Alberto Romele, chercheur associé au IZEW (International Center for Ethics in the Sciences and Humanities), Université de Tübingen, Allemagne
« VIRES IN NUMERIS » : SUR LE MYSTICISME TECHNOLOGIQUE DES COMMUNAUTÉS DE BLOCKCHAIN

Primavera de Filippi, chercheuse au CERSA, unité mixte du CNRS et de l’Université de Paris II Panthéon-Assas ; chercheuse associée au Berkman Center for Internet § Society, Université de Harvard, Cambridge

Les blockchains sont des systèmes permettant de créer et de conserver des enregistrements immuables. Sous le capot, elles reposent sur la cryptographie pour valider les transactions sur le réseau et atteindre l'immuabilité.

Cette intervention analysera les différentes idéologies du Bitcoin et d'autres communautés blockchain, et la mesure dans laquelle ces idéologies peuvent être considérées comme une religion implicite de la technologie, comme l'illustre la foi aveugle que l'on accorde souvent aux mathématiques et à la cryptographie. Alors que ce type de religion explicite est souvent considéré comme un comportement irrationnel par de nombreux défenseurs de la blockchain, la plupart des communautés blockchain s'appuient implicitement sur des métaphores religieuses pour décrire le fonctionnement de leur système basé sur la blockchain : du bloc de genèse aux oracles, en passant par les prophéties de Satoshi Nakamoto - ces métaphores sont révélatrices d'une sorte de mysticisme technologique.

Pour Primavera de Filippi, la croyance en l'infaillibilité des mathématiques et de la cryptographie est la principale différence idéologique entre les différentes communautés blockchain : certaines communautés adhèrent au dogme de l'irréversibilité basé sur la croyance que "le code a force de loi" (par exemple Bitcoin), d'autres approuvent l'idée d'un consensus distribué, et sont donc plus susceptibles d'autoriser un changement de protocole s'il y a un consensus sur le fait qu'un tel changement est nécessaire pour remédier à un délit découlant d'un défaut technique (par exemple Ethereum).

Elle souligne également que l'idéologie de l'irréversibilité de la blockchain peut conduire à un manque de mesures préventives contre les erreurs dans un protocole, ce qui pourrait finalement nuire à la communauté dans son ensemble. En outre, elle peut également conduire à un manque de recours juridiques contre les délits basés sur le code.

Elle conclut qu'en cas de délits basés sur le code, les communautés blockchain qui n'adhèrent pas au mysticisme technologique sont susceptibles d'être plus résilientes que celles qui y adhèrent, dans la mesure où elles peuvent s'appuyer sur des solutions non techniques afin d'atténuer ces risques, même si cela nécessite de s'éloigner du dogme de l'immuabilité et de l'irréversibilité.

IMAGES DU BLOCKCHAIN ET RELIGION : IMPLICATIONS ÉTHIQUES ET ONTOLOGIQUES

Alberto Romele, chercheur associé au IZEW (International Center for Ethics in the Sciences and Humanities), Université de Tübingen, Allemagne

Depuis quelque temps déjà, dans des domaines tels que la philosophie des techniques ou les STS (Science and technology studies), l'importance et les implications liés à l'utilisation d’images ont été discutés. Pourtant, peu de discussions ont été menées sur l'utilisation d’images dans le domaine de la communication scientifique. Les images utilisées dans la communication scientifique sont souvent des images produites par des non-experts qui n'ont consulté aucun expert avant de les produire. 

Cette intervention s’intéressera aux images de technologies de blockchain que l'on peut retrouver dans les catalogues en ligne d'agences d’images comme Getty Images. Ces images jouent-elles un rôle fondamental dans la constitution de l'imaginaire collectif autour de ces technologies et que, de cette manière, elles finissent également par influencer le processus d'innovation qui leur est lié ? L'imaginaire que ces technologies contribuent à façonner entretient-il une « aire de famille » avec l'imaginaire religieux ?

LA BLOCKCHAIN COMME AFFORDANCE DE RELIGION DE NIVEAU 7 DE LA SPIRALE DYNAMIQUE DE GRAVES

Rémy Bourganel, enseignant, metadesign, programme Grands challenges, Ecole du management de l’innovation, Sciences Po Paris et Umea Institute of design, Suède
Anthony Regent, leader, ecosystems design, OnePoint, Paris

La spirale dynamique est un modèle de psycho/socio-génèse qui permet de caractériser les motivations et les modalités de relation au monde. Elle offre un chemin de construction vers un état de conscience augmenté de soi et de son environnement. Elle est constituée de 8 niveaux, distribués entre 4 espaces. 

Les 4 espaces et les 8 niveaux :

  • Celui du JE intérieur/individuel. Axe de la compétition, avec 2 valeurs intentionnelles : 1. la survie. 3. le pouvoir. 
  • Celui du NOUS, intérieur/collectif. Axe de la préservation, avec 2 valeurs culturelles : 2. la sécurité. 4 l’ordre.
  • Celui du CELA, extérieur/individuel. Axe du renouveau, avec 2 valeurs comportementales : 5. le succès, 7. les synergies. 
  • Celui de CEUX-LA, extérieur/collectif. Axe de la coopération, avec 2 valeurs sociales : 6. la communauté, 8. le holisme. 

À chacun de ces 8 niveaux correspondent des typologies de religion qui engagent un individu et sa communauté. Chacune est explicitée par des jeux d’affordances de finalités, d’interdits, d’obligations, de rituels, de gouvernance facilitant leur encapacitation, leur actualisation et ainsi leur survie et leur extension. 

Les intervenants posent l’hypothèse que les architectures de blockchain instancient les affordances d’une religion de niveau 7 et les conditions d’émergence d’une religion de niveau 8.