Musique
Bruce Brubaker, Codex
Dans codex, le pianiste américain Bruce Brubaker confronte les Études pour clavier de Terry Riley (1965) et les pièces du Codex Faenza, l’un des tout premiers recueils de musique pour clavier datant du XVème siècle.
Plus encore que de relier les mondes - l’ancien et le nouveau, l’Europe du bas Moyen Âge et l’Amérique des sixties, le populaire et le savant -, Brubaker nous invite à un voyage à la fois intemporel et éminemment actuel.
« Il y a près de 600 ans, au début du XVe siècle, sur la côte Est de l'Italie, des scripteurs inconnus transcrivaient dans un même recueil une cinquantaine de compositions vocales du siècle précédent. Profanes ou liturgiques, anonymes ou émanant des plus grands compositeurs français et italiens de l'Ars nova (Jacopo da Bologna, Francesco Landini, Guillaume de Machaut, Pierre des Molins...), ces pièces étaient notées, fait inhabituel à l'époque, sur deux portées parallèles : c'est ce qui a permis de déduire qu'elles étaient destinées au clavier. Ainsi le Codex Faenza – du nom de la ville italienne, voisine de Ravenne, où il est conservé –, constitué vers 1420 et exhumé dans les années 1930, a-t-il acquis une aura légendaire pour les clavecinistes, organistes ou pianistes du monde entier : c'est en effet l'une des plus anciennes partitions pour instrument à clavier à nous être parvenue
Il y a un peu plus de 50 ans, sur la Côte Ouest des Etats-Unis, le compositeur Terry Riley inventait la musique répétitive américaine, avec ses complices Morton Subotnik, Pauline Oliveros et un certain Steve Reich. A la même période, en 1964-65, il composait L'Etude pour clavier n° 2, une série de fragments de 3 à 10 notes, sans indication de rythme, notée sur une portée de forme circulaire composée de cercles concentriques. Un prototype des « formes ouvertes » développées à l'époque par un compositeur qui n'allait pas tarder, sous l'influence notamment du maître indien Pandit Prân Nath, à orienter sa pratique vers une improvisation profondément empreinte d'influences extra-occidentales...
Aujourd'hui, le pianiste américain Bruce Brubaker (né en 1959) entreprend de faire le lien entre les mondes, et de faire revivre simultanément ces sources distantes de 550 ans en les entrelaçant sur un même disque. Plus encore que de relier les mondes – l'ancien et le nouveau, l'Europe du Bas-Moyen Âge et l'Amérique des sixties, le populaire et le savant –, le propos de Bruce Brubaker est ici de relire ces bréviaires de liberté pour en extraire la substantifique moelle : une musique qui, par essence, est celle de l'instant présent. »
David Sanson