Avent 2021

Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance


Avent : Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance

Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance. Et je n'en reviens pas. Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout…

Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912

 

Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance. Et je n'en reviens pas. Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout. Cette petite fille espérance. Immortelle. Car mes trois vertus, dit Dieu. Les trois vertus mes créatures. Mes filles mes enfants. Sont elles-mêmes comme mes autres créatures. De la race des hommes. La Foi est une Épouse fidèle. La Charité est une Mère. Une mère ardente, pleine de cœur. Ou une sœur aînée qui est comme une mère. L'Espérance est une petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière. Qui joue encore avec le bonhomme Janvier. Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne couverts de givre peint. Et avec son bœuf et son âne en bois d'Allemagne. Peints. Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas. Puisqu'elles sont en bois. C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes. Cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.

[...] Mais l'espérance ne va pas de soi. L'espérance ne va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut être bien heureux, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce. [...] La petite espérance s'avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle. Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance S'avance. Entre ses deux grandes sœurs. Et l'on n'a d'attention, le peuple chrétien n'a d'attention que pour les deux grandes sœurs. La première et la dernière. Qui vont au plus pressé. Au temps présent. À l'instant momentané qui passe. Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu. La petite, celle qui va encore à l'école. Et qui marche. Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main. Les aveugles qui ne voient pas au contraire. Que c'est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs. Et que sans elle elles ne seraient rien. Que deux femmes déjà âgées. C'est elle, cette petite, qui entraîne tout. Car la Foi ne voit que ce qui est. Et elle, elle voit ce qui sera. La Charité n'aime que ce qui est. Et elle, elle aime ce qui sera. La Foi voit ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité. L'Espérance voit ce qui sera. Traînée, pendue aux bras de ses deux grandes sœurs, qui la tiennent par la main, La petite espérance. S'avance. Et au milieu entre ses deux grandes sœurs elle a l'air de se laisser traîner. Comme une enfant qui n'aurait pas la force de marcher. Et qu'on traînerait sur cette route malgré elle. Et en réalité c'est elle qui fait marcher les deux autres. Et qui les traîne. Et qui fait marcher tout le monde. Et qui le traîne. Car on ne travaille jamais que pour les enfants. Et les deux grandes ne marchent que pour la petite.

Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912

En ce deuxième dimanche de l’avent nous avons choisi ce poème de Péguy qui nous parle de l’espérance. Oui, pour nous chrétiens le temps de l’Avent est le temps de l’espérance par excellence, le temps de l’attente joyeuse de la venue de notre Sauveur. Avec Jean Baptiste, voix de celui qui crie dans le désert, préparons les chemins du Seigneur.

Brune et Sophie, étudiantes aux Cours Publics

Avec la participation du collectif PansdArts