Nuit blanche 2019

« Je souhaite raconter la forêt : sa richesse, sa perte »

Nuit blanche 2019 : Sylvia


Depuis plus de dix ans, le travail de Stéfane Perraud consiste à mettre en lumière des phénomènes difficilement perceptibles, voire totalement invisibles. Que ce soit dans le domaine du langage, des sciences, des données ou encore de l’écologie, il interroge notre époque et les impasses dans lesquelles nous nous sommes engagés collectivement.

Avec Sylvia, installation présentée au Collège des Bernardins à l’occasion de la Nuit Blanche, Stéfane Perraud invite le spectateur à déambuler au gré des sons pour explorer l’extraordinaire potentiel sonore du parc régional du Haut-Jura et expérimenter un récit d’anticipation du vivant. Plongée au coeur d’une forêt sur des milliers d’années…

Présentez-nous Sylvia…

S. P. Sylvia nous plonge au coeur d’un paysage sonore, celui de la forêt du Risoux dans le Haut-Jura. C’est une expérience fictionnelle, immersive et méditative sur le devenir de la faune et de la flore. Avec Sylvia, je souhaite raconter la forêt d’aujourd’hui : sa richesse, sa perte.

J’ai travaillé à partir de l’empreinte sonore du Parc régional du Haut-Jura. Pendant un an les chercheurs du Muséum national d’Histoire Naturelle et du Parc régional du Haut-Jura ont installé un réseau de capteurs sonores automatisés pour relever l’empreinte sonore du massif forestier. Ce sont ces milliers d’heures de rush qui, conjuguées aux échanges que j’ai pu avoir avec les scientifiques, m’ont permis d’écrire le scénario de Sylvia.

Vous vous placez à la confluence de la science et de l’art…

S. P. Je collabore souvent avec des scientifiques. J’ai la conviction que la science est l’une des plus belles aventures de l’esprit du xxe siècle, mais son interprétation et ses utilisations détournées pourraient aussi en faire le cancer du xxie siècle. Les progrès scientifiques, quels qu’ils soient, nous ont permis de dompter et de conquérir le monde, mais à quel prix ? En dialoguant avec les chercheurs sur le futur de la forêt, je me suis rendu compte qu’il leur était très difficile de faire des prévisions au-delà des quarante prochaines années.

Dans cette installation, j’imagine les mutations à venir de la biodiversité de cette région : l’art prend le relais de la science. Sylvia est une fiction prospective susceptible de permettre au visiteur de prendre du recul et de se laisser saisir par ces réalités que sont la perte de biodiversité, la déforestation et la suractivité humaine.

Pourquoi avoir exclusivement utilisé des matériaux sonores ?

S. P. Depuis quelques années, je suis totalement fasciné par le monde de la radio qui, en soustrayant l’auditeur à l’image, lui permet d’être plus actif. Pour imaginer le futur et ses multiples scénarios, il me semble que l’image est inopérante car elle enferme le spectateur dans une esthétique catastrophiste.

Au contraire, le son libère l’imaginaire. En mettant l’imaginaire du spectateur au centre de cette installation, j’espère qu’il s’emparera pleinement du sujet, qu’il le fera sien.