Avent : La joie de Jean-Baptiste montre la voie

Jésus n’est pas encore né, mais l’attente est déjà entamée, et cette période précédant sa naissance est marquée par la joie. C’est tout le sens de l’Avent...

Rainer Maria Rilke (1875-1926), La vie de Marie

Tout alla bien pour elle au commencement,
mais déjà en montant elle sentit maintes fois
le miracle opérer dans son corps
– alors elle s’arrêtait et respirait sur les hautes
collines de Judée. Cependant s’étendait autour d’elle
non le paysage mais sa propre plénitude.
Elle savait ceci à chaque pas : on ne surpasserait jamais
la grandeur  qu’elle éprouvait maintenant.
Et il lui tardait de poser la main
sur le sein de l’autre au fruit plus mûr.
Et les femmes, l’une vers l’autre chancelant,
caressèrent leurs robes et leurs chevelures.
Chacune, pleine de son dépôt sacré,
prenait refuge en sa parente.
Ah ! le Sauveur en Marie n’était encore qu’en fleur,
pourtant déjà dans le sein de l’aînée
le joie fit bondir le Baptiste.

Rainer Maria Rilke (1875-1926), La vie de Marie, Paris, Arfuyen, 2013, trad. Claire Lucques

Ce court poème de Rilke, écrit en 1912, est une singulière méditation de l’épisode de la Visitation, la rencontre entre Marie et Élisabeth faisant directement suite à l’Annonciation. En effet, il déploie magnifiquement le texte même du premier chapitre de l’évangile de Luc. On devine aisément la page de l’évangile ouverte tandis que Rilke cherche et écrit ces quelques vers. Voici les cinq versets auxquels le poète autrichien se réfère (Lc 1, 39-44) : 

Marie partit pour prendre en hâte la route des montagnes, en une ville de Juda. Et elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Et il advint, lorsqu'Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant bondit dans son sein et Élisabeth fut remplie de l'Esprit Saint.

Puis elle poussa un grand cri, et dit à Marie :
- Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton ventre. Et d’où cela m’est-il donné que vienne à moi la mère de mon Seigneur ? Car, vois-tu, dès que la voix de ta salutation est arrivée à mes oreilles, l’enfant a tressailli d'allégresse en mon sein. 

Dans ce passage de l’évangile que l’Église lit lors du dernier dimanche de l’Avent, c’est la joie de Jean-Baptiste qui est à l’œuvre et qui nous montre la voie. Tandis que le miracle de la Nativité est en train d’opérer et que Marie et Élisabeth contemplent leurs ventres arrondis et s’émerveillent de leurs grossesses, Jésus et Jean le Baptiste prennent place. Car cette rencontre entre les deux mères est également une rencontre entre les deux fils. 

Jésus n’est pas encore né, mais l’attente est déjà entamée, et cette période précédant sa naissance est marquée par la joie. C’est tout le sens de l’Avent, tout le sens de cette dernière semaine avant Noël. Et c’est précisément ce que Rilke souligne pour conclure son poème : 

Ah ! le Sauveur en Marie n’était encore qu’en fleur,
pourtant déjà dans le sein de l’aînée
le joie fit bondir le Baptiste.

Thomas, étudiant en première année à la Faculté Notre Dame et rédacteur en chef chez PRIXM

Avec la participation du collectif PansdArts