Dans le sillage de Laudato si'

« La révolution sera spirituelle »


En 2019, Yann Arthus-Bertrand a illustré l'encyclique du pape François, Laudato si'. Le 12 octobre 2019, ses photos ont été projetées au Collège des Bernardins pour accompagner la lecture d'extraits du texte papal, avec pour fond sonore les œuvres pour piano et violoncelle de Bach, Saint-Saën ou Debussy. Retour sur cette collaboration pour la Terre.

Comment est née votre préoccupation écologique ?

À 30 ans, je suis parti faire un doctorat sur le comportement des lions au Kenya. Pour gagner ma vie j’étais pilote de montgolfière. La beauté de la terre m’a alors saisi, cette beauté évidente qui est là autour de nous mais que l’on ne voit plus. Nous ne sommes plus émerveillés par un arbre alors que nous devrions pourtant être étonnés par sa beauté. Avec les années, je suis devenu de plus en plus activiste mais avec une conscience mondiale ; je suis convaincu que tout est lié. Il existe une harmonie entre le vivant sur la Terre qu’on a oubliée.

Pourquoi avoir illustré l’encyclique du Pape François Laudato si’ ?

C’est un texte révolutionnaire et c’est la première fois qu’un Pape s’engage aussi fermement sur la question écologique. Nous avons besoin de grandes âmes qui s’expriment et le Pape porte en lui les problèmes du monde. J’ai eu la chance de le rencontrer et nous avons échangé sur sa vision holistique de l’écologie, une écologie humaniste. Et l’écologie ne devrait qu’être humaniste, car cela revient à aimer la vie.

Dans la préface de l’encyclique vous écrivez : « quand je lis les mots du Pape François, je me sens chrétien »…

Je suis non croyant mais je me retrouve dans les valeurs chrétiennes. Ces valeurs ne sont pas assez ancrées dans la vie au quotidien. Être croyant pour moi c’est croire au bien et au mal, et moi je crois au bien.

Portez-vous un regard optimiste sur le monde  ?

Aujourd'hui nous vivons mieux, plus vieux, il y a plus d’éducation, moins de gens qui ont faim, moins de mortalité infantile… Il y a une amélioration considérable pour l’humanité mais cela l’a été au détriment de la vie sur la Terre. Nous nous servons sans cesse des ressources de la Terre, jusqu’à ce qu’elles soient épuisées !  Il faut regarder le monde avec les yeux ouverts et je suis un optimiste très inquiet. Nous n’avons pas besoin d’espoir mais de courage. Il faut une vraie révolution.

De quelle révolution parlez-vous ?  

C’est une révolution qui ne sera pas politique car on a les hommes politiques que l’on mérite, et que ceux-ci manquent justement de courage. La révolution ne sera pas non plus scientifique, parce qu’on ne peut pas remplacer les cent millions de barils de pétrole quotidiens par des éoliennes ou des panneaux solaires, même s’il en faut et qu’il faut continuer à se battre pour ce faire. Elle ne sera pas davantage économique, car l’économie n’a qu’une envie c’est de consommer plus ! Il faut apprendre à être plus avec moins. La révolution sera spirituelle. C’est en nous que nous devons la trouver, nous devons nous demander ce que l’on peut faire pour les autres et comment peut-on rendre le monde meilleur.

Yann Arthus-Bertrand - Photographe, reporter, réalisateur et écologiste français