Hommage
Le cardinal Lustiger : faire mémoire
Il y a 40 ans, le 2 février 1981, le cardinal Lustiger devenait le 139e archevêque de Paris. Son souffle visionnaire a profondément et durablement marqué la vie de l’Église, en France et dans le monde. A travers le Collège des Bernardins, il souhaitait réunir, sous un même toit, l’institution de formation théologique du Diocèse de Paris, la recherche sur les grandes questions que doit affronter le monde contemporain, l’art et la culture sous toutes leurs formes, dans un esprit d’ouverture, de dialogue et d’interdisciplinarité.
(Re)découvrez l’hommage du P. Morin à celui qui œuvra toute sa vie à articuler travail de mémoire et pensée de l’avenir.
Faire mémoire ! Voilà deux mots qui disent beaucoup de ce que fut le père Lustiger, de ce que fut l’homme, le croyant, le pasteur. C’était un homme de prodigieuse mémoire, capable de se remémorer les prénoms des enfants de ses amis même croisés longtemps auparavant. Une telle capacité n’était pas une technique acquise ou une prédisposition innée: c’était le fruit de sa longue prière d’intercession faisant monter vers Dieu le nom de celles et ceux dont il avait croisé la route. Je me trouvais plusieurs fois déconcerté devant les questions qu’il me posait, revenant sur une ancienne conversation pour moi oubliée. Sa mémoire était une fidélité et une invitation à la fidélité.
Sa relation à Dieu reposait sur cette expérience de la mémoire, bibliquement enrichie dans la notion de mémorial: ce terme désigne souvent un geste cultuel par lequel on fait venir à la mémoire les actions passées que Dieu accomplit pour son peuple. Ce geste qui cultive la mémoire de la fidélité de Dieu était au cœur de la démarche croyante du père Lustiger. Faire monter constamment la mémoire active et vivante du Messie d’Israël livré pour les hommes constituait le ressort de sa démarche spirituelle. Il était convaincu qu’ainsi le Seigneur ouvrait l’avenir de l’humanité.
Articuler travail de mémoire et pensée de l’avenir
Cette conviction de foi intime fut également le ressort de son action : il avait une capacité hors du commun à poser les questions pour les dix, voire les vingt prochaines années, à se projeter dans l’avenir. La mise en place de l’École Cathédrale en constitue un bel exemple. « Ce qu’il me faut, c’est des formateurs pour dans vingt ans! » disait-il à la fin des années 1980. S’il cherchait bien évidemment à former les chrétiens contemporains, son action visait essentiellement à faire jaillir de cette formation dispensée les formateurs de demain.
La volonté farouche avec laquelle il engagea le diocèse de Paris et l’Église de France dans les JMJ de 1997 relève de la même intuition : faire mémoire ensemble de notre baptême pour créer une génération nouvelle, celle de l’amour qui fait mémoire de la fidélité de Dieu dans l’histoire.
P. Éric Morin, Docteur en théologie, ancien coordinateur de l'école cathédrale