En partenariat

« Notre mémoire est un lieu d’invention »


Le cycle de conférences « Un jour dans l’histoire », fruit d’un partenariat entre la revue Codex et le Collège des Bernardins, invite des spécialistes à retracer l’histoire comme un roman. Explications avec Priscille de Lassus, rédactrice en chef de Codex, et le père Jean-Philippe Fabre, directeur du programme.

Comment s’est mis en place le partenariat entre Codex et le Collège des Bernardins ?

Priscille de Lassus. C’est un partenariat très naturel et j’en rêvais depuis longtemps. Codex et le Collège des Bernardins partagent un même amour de la culture, particulièrement de la culture chrétienne, et une volonté d’ouverture sur le monde. Pour les Bernardins, avoir une ouverture plus prononcée sur l’histoire est très important. Codex, c’est « 2 000 ans d’aventure chrétienne » retracés à partir de l’archéologie, de l’historiographie, du patrimoine, de la culture… Nos contributeurs sont universitaires et ont tous une volonté pédagogique affirmée. Nous nous retrouvons pleinement dans les idées de transmission et de passage entre la culture et les savoirs qui animent le Collège des Bernardins.

Jean-Philippe Fabre. Le lieu même du Collège des Bernardins nous ancre dans l’histoire. Nous évoluons dans un bâtiment ancien, au passé riche, marqué par la culture chrétienne des moines cisterciens et, plus largement, par les Écritures saintes. Accueillir la formation « Un jour dans l’histoire » nous permet d’honorer l’enracinement historique du Collège. Par ailleurs, l’idée chère à Codex de chercher dans notre passé les clés de compréhension du présent et, éventuellement, de l’avenir, nous parle beaucoup.

Vous parlez d’enracinement dans un monde fasciné par l’éphémère. Pourquoi ce retour aux racines ?

P. de L. Nos contemporains sont curieux d’histoire, car l’idée d’héritage est centrale au christianisme. Comme le rappelait le pape Jean-Paul II dans sa Bulle d’indiction du grand jubilé de l’an 2000, l’histoire n’est pas le passé : elle est le présent et l’avenir. Elle nous apporte une connaissance de nous-mêmes et nous permet d’engager un dialogue avec le monde.

J-Ph. F. L’homme qui vit dans l’éphémère ne déploie pas toute la puissance de son humanité. La sagesse chrétienne a compris qu’un événement ponctuel ne l’est jamais vraiment, il se déploie sans cesse dans l’histoire. La force des traditions est de bâtir sur l’héritage des générations passées. On ne peut faire du nouveau que par rapport à l’ancien. On retrouve cela dans l’idée d’un « plus jamais ça » qui s’exprime suite aux grands bouleversements. Notre mémoire devient alors un lieu d’invention et non de paralysie, elle nous permet d’être dans la vérité. Nos pères, nos racines nous constituent.

Pourquoi les interventions « Un jour dans l’histoire » prennent-elles la forme de récits ?

P. de L. Avec le récit, on évite une ambiance trop scolaire et on permet une meilleure appropriation du sujet par les auditeurs. Le récit favorise aussi la rencontre avec l’historien en incarnant l’histoire et en la travaillant avec nos questionnements présents.

J-Ph. F. Le récit n’est pas simplement une modalité pédagogique, c’est déjà une interprétation qui met en lumière la puissance des événements. Ce qui n’empêche que le récit respecte l’événement, notamment parce qu’il s’inscrit lui aussi dans une succession temporelle. Rappelons que les Évangiles sont des récits, la Bible elle-même est un récit qui va de la Genèse à l’Apocalypse. Les textes sacrés racontent plus qu’ils n’expliquent.

Comment l’histoire entre-t-elle en résonnance avec le présent ?

P. de L. En décembre, nous avons accueilli Arnaud Timbert de l’université de Picardie. Il a déroulé l’histoire de l’incendie de la crypte de la basilique de Vezelay en 1165 comme une enquête policière. De fait, cet incendie avait éveillé les suspicions au Moyen Âge, tout comme l’incendie de Notre-Dame récemment. En évoquant l’incendie de Vezelay, il replace l’événement de Notre-Dame dans la grande histoire des destins tragiques des bâtiments chrétiens.

J-Ph. F. C’est aussi une plongée dans l’imaginaire du Moyen Âge. À l’époque, une statue de la Vierge avait résisté aux flammes, tout comme la Piéta de Notre-Dame ou les deux tours. À l’époque, les moines avaient interprété cela comme un signe de Dieu, une incitation à rebâtir.