Musique
Alterminimalismes XVIII : Sylvain Chauveau & Astrïd, « Espèces d’espaces »
Deux concerts qui, chacun à leur manière, sculptent l'espace sonore.
Une rencontre entre des musiciens amis du silence et épris des grands espaces du sonore, enfants illégitimes du minimalisme et du rock indépendant.
Ce sont des figures à part sur une scène « indépendante » française qui, dans leur cas, mérite fièrement cette appellation, tant leurs musiques font peu de cas des modes, des coteries et des règles de l'étiquette ; des musiciens dont le travail suscite presque davantage d'attention au-delà des frontières que dans leur pays d'origine...
Amis du silence et épris des grands espaces du sonore, enfants illégitimes de John Cage et du minimalisme américain, Astrïd comme Sylvain Chauveau s'emploient, chacun à leur manière singulière, à en faire fructifier l'héritage en le frottant à d'autres sources d'inspiration. Dans le cas d'Astrïd, quatuor (guitare/Rhodes, violon, clarinettes et percussion) vivant entre Nantes et Marseille, ces sources viendraient plutôt d'outre-Atlantique, du post-rock aux grandes figures de l'Americana en passant par le jazz et free-rock – jusqu'à la peinture d'Edward Hopper, qui a inspiré le titre de son dernier album, The West Lighthouse is not so far (Monotype Records) : elles donnent vie à un blues intemporel dont le lyrisme économe et la grâce fascinante se déploient à travers des horizons démesurés, et se déclinent en un impressionnant raffinement de textures.
Les modèles de Sylvain Chauveau, eux, seraient davantage à rechercher du côté du dénuement radical d'un Bernhard Günther ou d'une Eliane Radigue, du néoclassicisme d'un Max Richter ou d'une certaine pop britannique, la plus sucrée (Chauveau s'est notamment fait remarquer par un album de reprises de Depeche Mode version musique de chambre) ou la plus expérimentale (David Sylvian) – ou encore des tableaux abstraits d'Aurélie Nemours. Originaire de Bayonne, installé à Bruxelles, ce musicien s'est singularisé à travers des albums d'abord instrumentaux, puis – de plus en plus souvent – « chantés » : au piano ou à la guitare, il excelle à échafauder suspendus et envoûtants. Mais il s'est également distingué par ses nombreuses collaborations, avec des musiciens de tous les continents, mais aussi avec des cinéastes (Sébastien Betbeder) et des chorégraphes : son dernier album, paru chez Brocoli, How To Live In Small Spaces, reprend d'ailleurs des pièces composées pour des spectacles de Christian Rizzo et Cécile Loyer.
En 2014, Astrïd et Sylvain Chauveau publiait chez Home Normal un album commun, Butterfly In The Snowfall. Si l'on songe qu'ils ont, par ailleurs, collaborés avec plusieurs des musiciens déjà passés par ce cycle « Alterminimalismes » au Collège des Bernardins (Rachel Grimes, Stephan Mathieu, l'ensemble 0), cette soirée apparaît bel et bien comme une histoire de famille, d'affinités électives.