Chaire Laudato si’. Pour une nouvelle exploration de la terre

2022 - Les lieux - Synthèse des séances

De mars à décembre 2022 de la deuxième année de la chaire, les séances de recherche sont dédiées au thème des lieux, avec les interventions de notamment Matthieu Duperrex (ENSA Marseille), Jacques Trublet (Facultés Jésuites de Paris), Christophe Schwartz (Université de Lorraine)….…

Séance 1
INTRODUCTION

Grégory Quenet, titulaire de la chaire Laudato si’. Pour une nouvelle exploration de la terre, du Collège des Bernardins et professeur des Universités en histoire de l’environnement à l’université de Versailles Saint-Quentin Paris-Saclay

La proposition de cette deuxième année est de s’intéresser aux lieux et non pas à l’espace. C’est une proposition qui peut paraître étonnante et sembler être une régression. En effet, la géographie vidalienne était une science des lieux, mais sans capacité à monter en généralité, ce qui a d’ailleurs été tourné en dérision par les historiens : n’est-ce donc pas faire un pas en arrière ? N’est-ce pas revenir à une simple science de la description ?

Or, le projet de cette deuxième année du séminaire est un projet très différent de la géographie vidalienne, car il s’agit d’un projet d’une histoire planétaire à échelle réduite. Comment en écrire l’histoire ? Cette introduction vise d’abord à poser le concept de lieux – par distinction avec l’espace – en passant par une étude des mots et par une étude étymologique, avant d’étudier les implications de la notion en recourant à l’Anglais avec le terme de place, mobilisé notamment par l’histoire environnementale américaine. Cela qui permet de revenir dans un troisième temps au projet des lieux en relisant le concept d’espace dans les sciences sociales. Enfin, il s’agit en conclusion de se demander comment passer d’un lieu à un autre et comment traverser les lieux.

Grégory Quenet est agrégé d’histoire, docteur en histoire moderne sous la direction de Daniel Roche (Collège de France). Il est l’un des pionniers de l’histoire environnementale en France.

Quelques publications :

  • Les tremblements de terre en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, éditions Champ Vallon, 2005
  • Qu’est-ce que l’histoire environnementale ? éditions Champ Vallon, 2014
  • Versailles, une histoire naturelle, éditions La Découverte, 2015
Séance 2
LA PLACE DES LIEUX DANS LES TRAVAUX DES DOCTORANTS
(Discussion collective)

Cette séance a consisté en une discussion collective où chacun des participants a interrogé et expliqué comment il aborde ou a abordé la question de l’espace dans son travail, les problèmes et les questions rencontrés : l’espace de l'historien est-il du temps solidifié, c’est-à-dire procédant d'un usage méthodologique qui fait varier les découpages spatiaux en fonction de la question historique posée ? Ou bien cet espace est-il structurant en lui-même, gros de potentialités et de processualités ?

Séance 3
RÉFLEXIONS CROISÉES AUTOUR DES SOLS

Matthieu Duperrex (laboratoire Inama), maître de conférences en sciences humaines, École nationale supérieure d’architecture, Marseille.

Christophe Schwartz, docteur en sciences agronomiques, professeur, Université de Lorraine.

Christophe Schwartz
Sols des villes et sols des champs

Les sols urbains, longtemps ignorés au profit des sols agricoles et forestiers, font aujourd’hui l’objet d’un intérêt croissant. D’une réactivité chimique et sociologique très forte, les sols des territoires très anthropisés sont en effet au cœur d’enjeux sanitaires, environnementaux, fonciers et économiques majeurs. La ville a incontestablement besoin de sols fonctionnels, compartiments essentiels des écosystèmes urbains. Un enjeu est alors d’intensifier la prise en considération des sols dans la fabrique urbaine, ces sols volumes vivants et potentiellement fertiles. Il apparaît ainsi nécessaire de dépasser une vision des sols quasi-exclusivement foncière, de surface. Le concept de service écosystémique rendu par les sols est alors proposé comme un point de convergence et un élément de langage commun, compréhensible et appropriable par l’ensemble des acteurs qui font et habitent la ville. Il est temps de faire évoluer les représentations du sol et faire se rencontrer sols des villes et sols des champs.

Ensauvagement des eaux, complainte des sols
Matthieu Duperrex

Inquiétude dans les paluds vénitiens, destinée rongeuse des littoraux de Louisiane, métamorphoses critiques de l’étang de Berre… Lors de cette présentation illustrée où les territoires et les temps s’entremêlent, Matthieu Duperrex esquisse sa théorie du paysage contemporain dans un contexte de bouleversements écologiques. La philosophie, l’écriture, les arts doivent aujourd’hui répondre à l’enjeu d’une double esthétique de l’Anthropocène, laquelle relève autant d’une « tragédie du paysage » que d’une hypoesthésie de notre appareil de sensibilité : comment sentir ce qui nous arrive, à nous les vivants ? Si le paysage désigne une certaine épiphanie culturelle autant qu’environnementale de nos milieux habités, de quelle fabrique interne et de quelles puissances vitales peut se revendiquer notre paysage « altéré », diminué, souillé, pollué ?

Matthieu Duperrex est l’auteur d’une thèse en arts plastiques consacrée aux relations de l’art contemporain et de l’Anthropocène : Arcadies altérées (2018). Artiste et théoricien directeur artistique du collectif Urbain, trop urbain, ses travaux procèdent d’enquêtes de terrain sur des milieux anthropisés et croisent littérature, sciences-humaines et arts visuels.

Quelques publications :

  • Shanghai Nø City Guide (Toulouse, Urbain, trop urbain, 2012)
  • Micromegapolis, lorsqu’une ville rencontre Gaïa (Toulouse, Urbain, trop urbain, 2013
  • Périphérique intérieur (Marseille, Wildproject, 2014)
  • Voyages en sol incertain, enquête dans les deltas du Rhône et du Mississippi (Marseille, Wildproject ; La Marelle, 2019)
  • Soulèvements, subversions, refuges (Paris, Techniques & Culture, 2020)
  • Fos - Étang de Berre. Un littoral au cœur des enjeux environnementaux (Aix-en-Provence, Rives méditerranéennes, 2021)
  • La rivière et le bulldozer (Paris, Premier Parallèle, 2022)

Christophe Schwartz,, docteur en sciences agronomiques, est professeur à l’Université de Lorraine où il dirige le laboratoire Sols et Environnement.