Projet pédagogique

Le Précis de Géopathie

La chaire Laudato si’. Pour une nouvelle exploration de la Terre, du Collège des Bernardins a la singularité d’être une chaire de recherche-action-pédagogique. Dans ce cadre, un Précis de Géopathie, initié par Bruno Latour, philosophe, membre de la chaire, sortira en fin 2022. C’est un projet pédagogique à destination des jeunes générations.

L’équipe de la chaire, avec un collectif de chercheurs, Sébastien Dutreuil, historien et philosophe des sciences, Jérôme Gaillardet, géochimiste, Bruno Latour, philosophe ; Nastassja Martin, anthropologue, Grégory Quenet, historien de l’environnement, élabore ce précis de Géopathie.

Pourquoi un Précis ?

Il existe de nombreux manuels, d’excellents Atlas et d’innombrables ouvrages de vulgarisation et il ne s’agit pas de manuel de géographie, ou de géologie. Il s‘agit d’un précis pour qu’on ressente la Terre d’une autre façon, ce qui est, au fond, la meilleure façon de résumer la nouvelle mutation écologique : la Terre réagit autrement que ce que nous imaginions encore dans les périodes précédentes où elle était sagement étudiée.

Elle réagissait d’abord dans un cadre physique matériel, puis comme l’évolution des organismes se déroulant dans ce cadre, et, enfin, comme une histoire où les humains venaient compliquer la physique et la biologie.

Le XXe siècle a vu naître de très nombreux efforts pour raconter la géographie et la rendre compréhensible au public. Curieusement, la capacité d’intégration de la géographie a été peu à peu perdue au cours du siècle suivant, et l’écriture de la terre (le sens ancien de géo-graphie) n’a pu absorber ni la géophysique, ni les sciences de l’environnement et du climat, ni bien sûr l’immense transformation anthropologique résumée par le terme d’Anthropocène.

Et pourtant la géographie, requalifiée ici en géopathie, pourrait tout à fait servir de fil directeur à une nouvelle conscience citoyenne. Si la perspective politique générale est d’atterrir sur Terre, il est extrêmement important de rendre à peu près visible le sol sur lequel cet atterrissage doit avoir lieu.

Or le trait nouveau de cette nouvelle Terre, c’est que les temps de réaction, les échelles, les types d’acteurs se mêlent tellement qu’elle n’est plus un cadre passif mais un acteur, ou plutôt, une multitude d’acteurs entremêlés avec lesquels il faut désormais compter.

On ne peut plus organiser la description comme s’il existait d’abord un cadre matériel sur lequel on allait ensuite ajouter l’histoire humaine. Il n’y a plus exactement de cadre. D’autre part, c’est là le plus difficile, on ne peut pas unifier l’expérience de la Terre, comme on le pouvait au 19ème en la confondant d’ailleurs souvent avec la conquête coloniale, la modernisation ou l’aménagement.

Les controverses font désormais partie de cette géopathie et en particulier les controverses sur le planétaire : il y a de nombreuses manières, contradictoires, en lutte les unes avec les autres, d’expérimenter la planète. L’expérience de l’actuelle pandémie est d’ailleurs, de ce point de vue, un modèle utile de ce genre d’interactions complexes.

Qu’entend-on par Géopathie ?

Ce néologisme crée par le philosophe Bruno Latour, désigne en premier lieu le fait de se rendre sensible aux nouvelles connaissances de l’écosystème Terre (une forme d’empathie avec la géographie) et, d’autre part, de faire ressentir ce qu’a de pathologique les relations que beaucoup d’entre nous entretenons avec elle.

Sa principale ambition et son mode d’action consistent à trouver de nouvelles façons de relier et d’intégrer les dernières connaissances scientifiques sur la Terre – de les « métaboliser » pour reprendre l’expression de Bruno Latour - jusqu’à insuffler le désir et la capacité à modifier nos comportements et ajuster nos modes de vie à la taille d’une seule planète.

Des exercices pratiques et créatifs

Tous les travaux montrent à quel point la nouvelle mutation écologique affecte profondément les jeunes générations.

En plus de relier les découvertes et la connaissance actuelle sur l’écosystème terre, ce précis s’accompagne d’expérimentations pratiques, de visites de terrain, de descriptions de territoire, de cartographies de controverses, d’ateliers de pratiques créatives... pour favoriser sa compréhension, pour intégrer les connaissances par le corps et pour ressentir notre vécu.