Recherche

Entretien avec Déborah Fischer

Au Collège des Bernardins, l’art et la recherche fonctionnent l’un avec l’autre et non l’un à côté de l’autre. L’artiste plasticienne Deborah Fischer a travaillé un an et demi avec les chercheurs du séminaire « Entreprises humaines : Ecologie et Philosophies Comptables ».

Avec ces « presque rien » elle nous fait comprendre presque tout du défi qui se pose à l’humanité. Quelle trace – au sens propre comme au figuré – souhaite-t-elle laisser ? Son expo « Archéologie du présent » se déroule ce week-end.

Interview

Parlez-nous de votre exposition « Archéologie du présent »

Depuis plusieurs années, je m’intéresse aux objets abandonnés dans la rue et à la manière de les transformer grâce à différents processus créatifs. Il me paraissait essentiel de théoriser sur la notion d’« encombrants» et de comprendre les enjeux qui se cachaient derrière les éléments que nous accumulons et que nous jetons. Je souhaitais comptabiliser l’empreinte que nous laissons dans notre environnement à l’échelle de la ville et interroger les différentes manières de catégoriser ce que j’appelle des « presque rien », ces objets insignifiants, parfois dénués d’utilité, mais pourtant encore si vivants.

Avez-vous quelques indices à nous donner sur l’exposition ?

On retrouve du verre coulé ou soufflé dans différents objets collectés. Des cadres servent d’écrin à une série d’objets brodés pour parler de leur pérennité, la trace qu’ils laissent et la difficulté à les faire disparaître. Des empreintes en terre cuite se meuvent et se déplacent. Des socles couleur ardoise élèvent certaines œuvres de façon à créer une distance avec l’accumulation qui nous submerge.

Vous proposez plusieurs lectures aux visiteurs…

« Archéologie du présent » interroge notre manière de percevoir les objets et les usages que l’on en fait. Ainsi, je questionne à la fois leur perte d’utilité, leur valeur et leur pérennité. Dans l’ensemble de ce projet, je révèle les objets devenus invisibles afin de leur donner une nouvelle portée par le prisme de l’art. Puisque le sujet même de la recherche interroge l’accumulation, et donc la multitude, j’ai souhaité employer de nombreux processus de transformation et faire appel à plusieurs savoir-faire pour témoigner de la saturation à laquelle nous faisons actuellement face.

Parlez-nous de votre collaboration avec le séminaire de recherche « Ecologie et philosophies comptables » ?

L’exposition « Archéologie du présent » a été conçu pour le programme de recherche « Entreprises humaines : Ecologie et Philosophies Comptables ». Durant un an et demi, j’ai suivi les séminaires de recherche auprès de chercheurs spécialisés. En participant et en échangeant avec eux, j’ai pu faire évoluer les différents concepts du projet tout en les mettant en parallèle avec les enjeux du programme. Cela a été passionnant de découvrir les liens qu’il existe entre un développement artistique et la construction d’une recherche académique.

Comment l’art plastique et la comptabilité se sont nourris l’un l’autre ?

Tout au long des séminaires, j’ai puisé l’inspiration dans les techniques d’inscription qui servent à catégoriser, à prendre en compte, à compter et à rendre compte. Des liens se sont dessinés, révélés et tissés entre les systèmes comptables, l’écologie et mon appétence pour la collecte des objets.